samedi 8 janvier 2011

Fondue au Fromage, dite aussi Savoyarde (en Savoie) - update

Ami lecteur, ces quelques jours de silence (... semaines, vraiment?) sur Godts' Kitchen ont été l'occasion de nous ressourcer dans les Alpes, où nous avons baigné dans une tradition culinaire ancestrale, celle qui a donné à la gastronomie les crozets, les diots, le matafaim ou encore la fameuse Fougne (qui a été immortalisée par les bronzés, mais qui - pour les die hards parmi les lecteurs - existe vraiment sous le nom de pétafine).
Les vastes pâturages des alpages sont des terres particulièrement propices à l'élevage des troupeaux, ergo à la production de lait. Par ailleurs, ce lait, surtout lorsqu'il était obtenu près des plus hauts sommets, ne pouvait être aisément transporté. C'est pourquoi bien souvent il était transformé en fromages de tous genres et de toutes formes, qui, déjà, faisaient la réputation des Allobroges sur les marchés de Rome, et celle des orgies du gouverneur Diplodocus jusqu'à un certain village Gaulois qui résiste encore...
Un autre séjour dans les Alpes nous a fait découvrir quelques intéressantes variations qui nous valent la présente mise à jour, que nous consolidons immédiatement dans le texte original pour la meilleure convenance de l'ami lecteur. 


Comment illustrer mieux cette belle tradition du fromage qu'en te proposant, ami lecteur, ce post sur la fondue au fromage, ce plat faste qui propose de mélanger plusieurs - certains disent jamais plus de trois - de ces fromages fabuleux. Petit "chapeau" (ou spoiler): ce qui suit relève plus de la formule que de la recette, car la fondue au fromage permet de nombreuses variations. C'est pourquoi nous ne suivrons pas l'organisation habituelle de nos recettes, mais décrirons plutôt étape par étape, la confection de la fondue. Caveat additionnel, nous n'avons pas testé toutes les combinaisons proposées...

1. L'ail.
Ce condiment fabuleux a la double propriété, nous dit Vialatte, de "rajeunir l'organisme et d'éloigner les importuns". Toutefois, il n'en faut point abuser, car si "une caresse d'ail revigore, un excès d'ail endort"  (Curnonsky). Aussi, se contenter de frotter les parois de votre caquelon à l'aide d'une gousse, puis s'en débarasser.

2. Le fromage
"Comment voulez-vous, se lamentait le Général, gouverner un pays où il existe 258 variétés de fromage?" Cette interrogation du grand Charles ne veut qu'illustrer le nombre de combinaisons de fondues qui puissent exister... car une bonne fondue implique plusieurs - bons - fromages. Non seulement, c'est le gage d'un goût relevé, mais surtout l'occasion pour l'autochtone de vanter les mérites biens supérieurs des fromages de sa vallée.

Voici deux préceptes de base dont on peut s'inspirer - mais auxquels les audacieux se doivent de déroger - pour composer une fondue:
- ne pas mélanger plus de trois fromages: ce principe ne nous parait pas vraiment impératif - dans le sens où nous avons déjà réussi de très belles fondues qui impliquaient une dizaine de fromage au bas mot (avec l'ensemble des restes d'un cheese & wine) - mais plutôt guidé par un souci de mesure, puisqu'il faut bien admettre qu'au delà de trois fromages, les saveurs deviennent assez indéfinies; et
- respecter une certaine alternative de fromages "gras" ou coulants, et de fromages à pâte dure dans la combinaison, pour assurer une liaison un minimum stable.

La suite est vraiment affaire de goûts et de couleurs qui ne se discutent pas. Prévoir 200 grammes de fromage pour le premier convive, et entre 120 et 150 pour les suivants. Enlever les croutes as the case may be, couper en morceaux les fromages mous et râper ceux à pâte dure, puis incorporer le tout dans le caquelon.

Voici un petit passage en revue des combinaisons les plus classiques:

  • la savoyarde: beaufort, emmental et comté;
  • celle des 4 cantons: gruyère, emmenthal et sbrinz;
  • la vaudoise: gruyère;
  • la fribourgeoise: vacherin;
  • la neuchateloise: gruyère et emmenthal;
  • la jurassienne: comté;
  • la valdotaine: fontina et une pointe de provolone; 
  • celle du Val Montjoie, dont le secret nous a été transmis par le tenancier de l'auberge de Notre-Dame de la Gorge: beaufort (10%), Comté (45%, pour moitié vieux, pour moitié jeune) et Abondance (45% également)
  • pour ceux qui ont de l'humour - nous déclinons toute responsabilité - la belge: vieux bruges, orval et herve; et
  • spéciale dédicasse pour notre colocataire qui a des affinités tant avec le fromage qu'avec le Normandie: la normande: camembert - pont-l'évêque - livarot...
... mais ce ne sont que des suggestions qui ne doivent pas t'empêcher, ami lecteur, de faire des expériences tout à fait intéressantes impliquant, par exemple, du bleu, du brie ou du gouda.

3. Le vin - ou autre.
Une fois réglée la question délicate des composants solides de la fondue, vient la problématique qui requiert une attention toute aussi soutenue, celle du liquide. Si le vin - et le vin blanc sec des Alpes (apremont, abymes, bès, fendant, remollan, pierrevert, manosque  - entre dans la composition de l'immense majorité des fondues au fromage, d'autre boissons peuvent avantageusement venir le remplacer. Ainsi, la fondue normande s'accommode - c'est évident - avec un bon cidre. Plus audacieux, les vrais belges accommoderont leur fondue avec une bière d'abbaye - ce n'est pas pour rien que Fortissimi sunt...
Verser un bon verre à vin par convive sur le fromage et mettre le caquelon à feux doux.

4. Les liaisons dangereuses
Il convient de mélanger le fondue, pour qu'elle prenne bien, en opérant avec une spatule en bois des mouvements en huit alors que le fromage fond doucement. Bien souvent toutefois, le vin, le gras et la crème finiront par se dissocier... On peut, mais c'est optionnel, lier la fondue avec un ou deux jaunes d'oeuf ou de la maïzena (qu'on délayera dans le kirsch, voir ci-dessous). Ne pas oublier que la fécule de maïs doit avoir bouilli pour prendre.
La liaison à la crème, qui a par ailleurs la propriété d'adoucir quelque peu le goût de la fondue, a également pour propriété de la rendre moins filandreuse, et donc plus digeste.

5. Un petit kirsch pour la route?
Car oui, la fondue a besoin de ce petit remontant - l'équivalent de cinq centilitres - pour affronter son triste sort. Le kirsch peut être remplacé, en Normandie, par du calvados, en Belgique, par un péket, et chez les die hard, par de l'absinthe.

6. Herbes, épices et autres compléments
Lorsque la fondue a pris un belle consistance et que le vin a un peu réduit, il est temps d'ajouter la touche finale. Tomates dans la savoyarde pour en faire une valaisanne, truffe blanche dans la valdotaine pour en faire une piémontaise, paprika, champignons des bois, ....
Rectifier l'assaisonnement.

8. Le pain et les autres accompagnements
La fondue peut être servie dans le caquelon, où chaque convive trempera de petits morceaux de pain un peu sec de préférence. Ne pas hésiter à varier le pain (au noix, au levain,...) Elle peut aussi être versée dans les assiettes individuelles, sur les croûtons (elle est alors servie à la dauphinoise).
Accompagner d'excellentes charcuteries alpestres.

9. In aqua, moribidas?
La tradition veut que l'eau ne puisse accompagner la fondue. Sincèrement, nous n'avons pas vraiment trouvé d'explications rationnelles à ce conseil. En général - mais c'est vrai pour tous les plats - il est conseillé de ne pas trop boire pendant le repas pour ne pas diluer les sucs gastriques, et, la fondue étant un plat lourd, Dieu sait si on en aura besoin. Par ailleurs, certains prétendent que l'alcool dissout les graisses et contribue donc, lui aussi, à une digestion facilitée. La tradition trouve plus probablement ses origines chez des restaurateurs soucieux de prendre leur marge sur la dive amphore, car, pour en avoir mangé pendant le Carême, et donc en buvant de l'eau, nous nous posons la questions de la véracité de ce conseil.


10. Le gage
Dernier élément pour une soirée réussie, prévoir un gage pour celui que perd son morceau de pain dans le caquelon. Dépassant ici le cadre strictement culinaire de ce blog, nous nous en remettons à toi, ami lecteur, pour nous faire part de tes meilleures idées dans la section "dégustations" ci-dessous. Nos confrères et amis veilleront à ne pas utiliser la fonctionnalité "anonyme" à mauvais escient...

Pour alimenter la conversation:
Ami lecteur:
  • as-tu remarqué l'absence de numéro 7?
  • l'Emmenthal est un fromage suisse de la vallée de l'Emme, alors que l'Emmental en est la copie française produite à partir du 19ème siècle en Savoie. Pour les distinguer, on a enlevé le "h". Il s'agit du plus gros fromage de l'univers intergalactique, car il se produit en meules de 60 à 80 kilos.
  • pour alimenter le débat: la gastrologie est à la gastronomie ce que l'astrologie est à l'astronomie (spéciale dédicasse à une autre colocataire).

2 commentaires:

  1. L'anti-thèse d'Etienne Lantier20 avril 2010 à 17:07

    Mon Cher Maître Queux,
    Allechées par votre propos et voyant poindre les beaux jours et leurs repas plus légers, mes papilles gustatives réclament à grands cris que nous organisions une fondue.
    Ite missa est, j'ai faim !

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