dimanche 10 janvier 2010

Des Frites, une fois!

Dimanche midi oblige, le roast-beef frites nous attend pour le repas familial. Ce midi, il fut l'occasion de déguster des frites fraîches découpées avec amour pour un part dans des Belles de Fontenay, et pour l'autre, dans des Bintjes. Je prolonge le plaisir de la dégustation en profitant de l'opportunité pour vous entretenir de la frite dans tous ses états!



Accompagnement rêvé des viandes rouges, du poisson et des moules (évidemment), nos frites nationales se marient également - et parfois de manière moins heureuse - avec des hamburgers ou des fricandelles dans d'épaisses mitraillettes, ou avec de l'aggloméré de bas morceaux dans de divers dürürms ou kebabs avalés sur le pouce un soir de guindaille, pour sceller la bière dans l'estomac.


Si l'envie vous prend de faire mieux que votre snack vicinal ou que les surgelés Lutosa (anciennement Gastropom), voici pour vous ce soir la recette des bonnes frites:


Ingrédients (pour 4 personnes):

  • 6 à 8 grosses pommes de terre;
  • une friteuse pleine de matière grasse; et
  • du sel fin.
Le choix des ingrédients donne déjà lieu à de nombreux débats dans la doctrine culinaire.

Le choix de la pomme de terre, tout d'abord: classiquement, on recommande de prendre des pommes de terre plutôt "sèches", c'est à dire avec une teneur en eau relativement basse, de type C, comme par exemple la
Bintje, mais rien n'empêche de prendre des pommes de terre plus "mouillées" (Charlotte, Belle de Fontenay ou Corne de Gatte)Simplement, comme la teneur en eau est proportionnelle à la "mollesse" de la frite, il faut adapter la découpe de la frite. Les pommes de terre mouilliées seront coupées en allumettes (0,5 cm de côté) alors que les sèches feront d'excellentes "grosses frites" (1 à 1,5 cm de côté). Enfin, les pommes de terres plus vieilles feront des frites avec un goût plus marqué et épicé, alors que les nouvelles ont une saveur plus neutre.


Quant au choix de l'huile, si la diététique recommande d'utiliser une huile végétale (arachide, tournesol,...), le goût des graisses animales est bien meilleur. On privilégiera le saindoux, le blanc de boeuf, ou alors, comble de la décadence, la graisse de canard (qu'on peut éventuellement mélanger à de la graisse végétale). Lorsque le cheval faisait partie de l'alimentation courante, il semble bien que la graisse de cheval ou de poulain était aussi utilisée. Le secret des bonnes fritures réside dans ce "cocktail" de graisses.

Attention toutefois aux températures maximales supportées par la matière grasse (température critique ou point de fumage), qui sont en règle générale plus basses pour les graisses que pour les huiles végétales. Voyez ici pour un tableau des températures critiques.


Mise en place:


1. Nettoyer les pommes de terre. On peut les peler, mais c'est optionnel, la pelure a un goût intéressant. 


2. Couper au couteau les pommes de terres en bâtonnets - plus la pomme de terre est aqueuse, plus il convient de les faire fins.


3. Essuyer les frites à l'aide d'un essuie de vaisselle pour enlever l'amidon qui se trouve en périphérie de la frite. Ensuite, cuire, mais pas trop à la fois, les frites une première fois dans la friture à 150-160° pendant 5 à 7 minutes. Les frites doivent être cuites: vérifier en les piquant à l'aide d'une fourchette. Bien égoutter et laisser refroidir une demi-heure.


Coup de feu:


1. Re-cuire les frites dans la friture, cette fois à 180°, durant une minute, pour obtenir des bâtonnets bien dorés et croustillants.


2. Les égoutter très vivement (comme à la friterie) ou les placer sur du papier absorbant et saler tout de suite avec du sel fin. Envoyer!


Envoi:


Agrémenter éventuellement d'une sauce.


Ce qui peut mal tourner/à ne pas faire:


1. Veiller à ne pas trop mettre de frites à la fois dans la friteuse, car la température du bain d'huile doit rester la plus élevée possible.


2. Tremper les frites dans l'eau froide - ou pire, dans l'eau chaude, puis froide: c'est une technique pour enlever l'amidon, seulement ça marche un peu trop bien. Au lieu d'enlever l'amidon de l'extérieur de la frite, on la vide complètement de son amidon. Cuite, elle a une consistance de carton.


3. Les découper avec un coupe-frite. Là on entre sans doute dans le domaine de l'excès de zèle, mais le véritable connaisseur ne se laisse pas tromper: elles sont bien meilleures coupées à la main. L'explication scientifique doit résider dans le fait que le coupe-frite, en pressant la pomme de terre, en expulse l'amidon ou l'eau - mais c'est de la spéculation.


Fautes de goût:


Les frites surgelées, les frites sous vide, les Freedom Fries, les frites au chocolat et les frites pas suffisamment cuites à la cantine du bureau de votre serviteur.


Pour entretenir la conversation:


Origines: Comme tout le monde le sait, nous devons la seule théorie solide sur l'origine de la frite à Goscinny et Uderzo. C'est Geuselambix, qui, voyant un soldat romain tomber dans les pommes devant une marmite d'eau bouillante, se dit qu'il demanderait bien à son épouse Nickotineke de lui faire des pommes frites. Internet regorge pourtant d'explications fallacieuses. Ainsi l'internaute lambda, en quête d'informations sur l'origine et l'histoire de la frite, se rendra presque naturellement sur wikipédia, la grande encyclopédie en ligne. De nombreux scientifiques souligneront que le taux d'erreur dans les articles repris sur ce site est nettement inférieur à celui constaté dans les dictionnaires et encyclopédies classiques. C'est peur-être vrai, mais l'article sur la frite se fourvoie éhontément en mettant en doute que l'origine de la frite puisse être autre que belge. L'argument clé de cette cabale franco-chauviniste est que la pomme de terre ne fût introduite qu'à la fin du 18ème siècle par Parmentier. L'argument pêche par gallo-centrisme: les pommes de terre furent introduites par les Conquistadores dans nos contrées (alors espagnoles) dès le 16ème sicècle. Pour preuve, Lancelot de Casteau, montois cuisinier des Princes-Evêques de Liège durant la seconde moitié du 16ème, présente dans le second livre de son Ouverture de Cuisine de 1604, pas moins de quatre recettes de pommes de terre, soit près de deux siècles avant leur introduction en France. Ceci étant établi, la tradition veut que les frites aient été inventées en bord de Meuse, ou il était d'usage de mager frits les petits poissons (le menu fretin). Un jour d'hiver où la Meuse était gelée, d'aucuns eurent l'idée de remplacer les poissons par des pommes de terre découpées en forme de poissons, et la frite était née, en Belgique... n'en déplaise à ces chauvins de Curnonsky ou Céline, pour qui la frite remonte à la révolution française.
Bien des années plus tard (en 2003), en réaction à la campagne des Freedom Fries, la France a d'ailleurs officiellement reconnu, par la voix de Nathalie Loiseau, attachée à l'ambasseade de france à Washington, que les frites sont bien belges, et non françaises.



Chimie: pour obtenir des frites moelleuses à l'intérieur, mais croquantes à l'extérieur, il est nécessaire de les cuire deux fois. C'est le secret des Belges. La première cuisson a pour but de cuire la pomme de terre, la seconde de lui donner une croute croustillante. Il faut aussi à tout prix égoutter les frites à la fin de la cuisson. Tant que les frites sont dans la friture, elles n'absorbent que très peu de graisse car celle-ci est chassée par la vaporisation de l'eau provenant du coeur de la frite (jusqu'où ça sent la morue, dans le port d'Amsterdam). Dès que la vaporisation s'arrête, il est essentiel d'enlever la graisse, car à cet instant précis elle commence à être absorbée par la frite. C'est aussi à ce moment, tant qu'il y a encore de la vapeur, qu'il faut saler ou épicer les frites. Le goût de dissoudera mieux et imprègnera les frites en refroidissant.


Et surtout, un excellent appétit si vous passez à table!






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