lundi 11 janvier 2010

Sauce béarnaise

Avec les premières dégustations viennent les premières demandes. Cette recette est "Spécial dédikasse" pour un confrère pour qui verba volant, scripta manent et  bis repetita placent... voici pour lui ce soir la recette de béarnaise que j'ai déjà eu l'occasion de lui transmettre oralement à maintes reprises. L'auteur dédie aussi cette recette à MM. Devos et Lemmens, dont la sauce n'est pas très bonne mais dont les réclames radiophoniques nous font tous bien rire.




La sauce béarnaise accompagne très bien toutes les viandes grillées (entrecôte, côtelettes d'agneau, côtes spierling). Dans la cuisine bourgeoise, on la servait aussi sur les poissons, mais c'est un peu passé de mode, puisqu'aujourd'hui le poisson est livré plus frais, et qu'il n'est donc pas nécessaire de le servir avec des sauces très fortes pour en masquer le goût un peu... marin. Ceci dit, une béarnaise sur un filet de saumon mi-cuit reste le gage d'un diner réussi...

Avant de vous délivrer la recette que j'utilise le plus souvent et qui a le mérite de présenter une certaine simplicité et un temps de préparation limité, sans nuire à la préservation de la saveur, un petit mot d'avertissement. Cette recette n'est pas très compliquée, mais requiert d'une part une attention continue et, d'autre part, un tour de main qui ne vient qu'avec la pratique. N'hésitez pas à vous donner deux ou trois occasions d'essayer la sauce sans qu'un échec ne nuise significativement (i) à une augmentation, (ii) à une demande en mariage, (iii) à votre estomac, ou (iv) à la perspective d'exercer après le diner ce que Brillat-Savarin nomme le sixième sens et que - ce blog n'étant pas réservé aux adultes - nous ne nommerons pas ici.

Ingrédients:
  • 25 cl de vin blanc sec (se conférer à la recette du risotto pour des détails sur le choix);
  • 2 échalottes;
  • une branche de celeri;
  • un bouquet garni (thym, romarin, laurier);
  • 5 branches d'estragon, frais de préférence;
  • 3 ou 4 jaunes d'oeuf;
  • 200 gr de Beurre; et
  • sel, poivre du moulin.
Mise en place:

1. Préparer la Gastrique: cette opération peut se faire longtemps à l'avance, car la gastrique conserve sans problème quelques semaines. Les gros consommateurs de béarnaise en prépareront une quantité donnée à l'avance.
  • Hacher grossièrement l'échalotte et le céleri et préparer le bouquet garni;
  • Chauffer un poellon, y jeter les échalottes (sans beurre ou huile) et les faire suer une trentaine de secondes;
  • Couvrir avec le vin blanc, ajouter le bouquet garni, le céléri et deux brances d'estragon et laisser réduire de moitié à feux doux; et
  • Filtrer et reserver le liquide.
2. Clarifier le beurre: le faire fondre à feux doux, pluis le laisser décanter dans un bol. Ensuite, délicatement à l'aide d'une cuillère, enlever l'écume qui se forme en surface du beurre fondu (la caséine), puis séparer le beurre clarifié (en surface) du petit-lait (au fond).

3. Séparer les feuilles d'estragon de la branche et les hacher menu.

Coup de Feu:

1. Dans un petite casserole, mélanger les jaunes d'oeuf avec deux ou trois cuillières à soupe de gastrique.
2. Mettre le mélange à cuire au bain marie sans cesser de mélanger avec un fouet.
3. Dès que les jaunes d'oeufs commencent à cuire et à se lier, sourtir la casserole du bain marie et incorporer en fin filet, en fouettant, le beurre clarifié (comme pour une mayonnaise). Le but est d'obtenir une émulsion crémeuse.
4. Goûter, ajouter de la gastrique si besoin, assaisonner de bon goût et ajouter l'estragon haché.

Envoi:

Dresser en saucière et servir immédiatement. Au pire reserver au four à maximum 55° mais ce n'est pas idéal.

Ce qui peut mal tourner:

Tout. Il faut surtout être très attentif à arrêter la cuisson des jaunes avant qu'ils ne cuisent (60°C). Sinon on se retrouve avec un omelette dans de la graisse.

En principe, la cuisson au bain-marie permet de réchauffer les oeufs de mannière constante et progressive. Les plus audacieux, pour limiter leur vaiselle et leur impact écologique, peuvent essayer de faire la sauce directement sur le feu mais vigilance... En toute hypothèse, n'essayer de le faire comme ça que dans une casserole d'excellent facture, avec un fond bien épais qui diffuse la chaleur de manière ultra-constante.

Fautes de goût:

1. Incorporer de la crème fraîche à la fin;
2. Utiliser du vinaigre dans la gastrique - même si la grande majorité des recettes le préconisent, il en résulte toujours une sauce beaucoup trop acide.
3. La béarnaise lyophilisée à délayer dans du lait...

Pour entretenir la conversation:

La béarnaise n'est pas originaire du Béarn, mais a été mise au point dans un restaurant parisien à la fin du 19ème siècle. Le restaurant étant nommé d'après le plus célèbre des béarnais, Daniel Balavoine, on a nommé la sauce ainsi.

Quant au bain-marie, il doit son nom à Marie la Juive, Marie la Copte ou Marie d'Alexandrie, une des mères fondatrices de l'alchimie qui vécut en Egypte au deuxième ou au troisième siècle avant notre ère. Nous ne connaissons ses travaux qu'à travers ceux de Zosime de Panopolis, qui a décrit les instruments que cette vénérable dame a mis au point. Dans la tradition occidentale, c'est Albert le Grand (1193-1280) qui introduisit l'usage du Balnaeum Mariae.



Et surtout un bon appétit si vous passez à table.

2 commentaires:

  1. Le collegue apprécie et à transmis l'adresse du blog au cuistot en chef du ménage :-)

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  2. J'adore :

    Ce qui peut mal tourner.

    Tout.

    Effectivement...

    Bon un ou deux petits trucs pour aider quand même les gros fainéants(mea maxima culpa).

    Quand on la joue "sans filet", à la flamme plutôt qu'au bain, il est conseillé d'avoir une pierre froide pas loin ou un fond d'eau avec un glaçon à portée de main pour refroidir en urgence le mélange (pas de souci , l'eau s'évaporera de toute façon, comme celle de la gastrique d'ailleurs).

    Alors quand faut-il commencer à s'inquiéter? Assez rapidement, mais, pratiquement, lorsque vous voyez un fin filet de fumée s'échapper du poellon, c'est que çà va prendre incessament sous peu, puis tourner en "omelette baignant dans l'huile" si on y prend pas garde. De grâce, mettez le gaz au minimum pour débuter : Laurent l'a bien dit, quand çà passe les 60°, c'est mort.

    En cas de doute (la fumée augmente de façon brutale), retirez du feu et posez le poellon sur quelque chose de froid (pierre) ou versez le fond d'eau froide.

    Pour les ultras fainéants (Ave Maria, gratiae plena, dominus tecum,...) on peut rajouter le beurre coupé en dés (si, si Laurent, ne fais donc pas cette tête) et juste sorti du frigo, çà a le mérite de refroidir le mélange sous la flamme lorsque la béarnaise a pris et qu'on la monte. Un peu de beurre rajouté dès le départ au mélange oeufs-gastrique aura l'avantage d'augmenter le volume de matière chauffée et donc d'augmenter l'inertie thermique du mélange (bref çà chauffe moins brusquement)mais attention, le risque (passe inaperçu chez les profanes et chez le patron devant consentir à l'augmentation tant convoitée, la plupart du temps)c'est que l'oeuf ne "cuise" jamais et que vous montiez un simple beurre blanc "gout béarnaise" à la place d'une béarnaise bien ferme.

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