lundi 11 janvier 2010

Spaghetti alla Carbonara

Ami lecteur, le lundi risque bien de devenir un jour faste pour ce blog, puisque c'est le jour que nous réservons mes colocataires et moi à des jeux de société divers et variés. Or, rien de tel pour se mettre dans les conditions propices au jeu qu'un plat roboratif pour s'y donner de l'énergie, mais aussi relevé de manière à éviter tout engourdissement post-cenal. Autre conditio sine qua non, le plat doit se préparer, et les courses y relatives s'effectuer, dans le court délai compris entre l'heure de la fin de nos occupations professionnelles, celle de la fermeture du Delhaize, et l'heure à laquelle on commence a vraiment avoir très faim (empiriquement, nous la situons vers 20h34).

Voici donc pour vous ce soir une recette qui conjugue les contraintes citées plus haut.

Pas besoin de longs discours pour introduire ce plat connu entre tous. C'est le compagnon idéal d'un repas vite fait, bien fait. Son secret réside dans les oeufs qu'on jette dans la préparation à la fin. Le mélange doit être très liquide et léger, pour bien imprégner la préparation, et doit être incorporé en mélangeant vivement, de peur qu'il ne cuise et rende la préparation désagréablement pâteuse. Autre écueil à éviter, celui de la crème fraîche. Si on en ajoute, on parle de Carbonara ricca (riche - immanquablement ajouter de la crème contribue à alourdir encore un plat qui n'est déjà pas léger). Certains aiment bien, mais, comme des goûts et des couleurs on ne discute pas, l'auteur de ces lignes se contentera de ranger cette pratique que la doctrine traditionnelle abhorre au rang des fautes de goût.

Ingrédients (pour 4 colocataires, et il en reste pour le pique-nique du cuisinier le lendemain):


  • 112 spaghettis épais, cuisson 12 minutes, par personne (soit 500gr environ);
  • 2 échalotes;
  • 150 gr de Pancetta, ou à défaut, de lard en fines tranches, ou de bacon;
  • 25 cl de vin blanc sec;
  • 2 oeufs entiers et un jaune;
  • pour la garniture (c'est optionnel), autant de jaunes qu'il y a de convives insouciants de leur taux de cholésterol;
  • 200 gr de parmesan, de grana padano ou de pecorino (on peut aussi panacher les différentes sortes selon son goût);
  • de la mignonnette de poivre et du sel.


    Mise en place:


    1. Hacher menu les échalottes, couper le lard en fines lamelles et raper le fromage, pour moitié très finement, pour l'autre en gros copeaux.
    2. Griller le lard dans une poêle chaude, sans ajouter de matière grasse, jusqu'à ce qu'il devienne bien croustillant. Débarasser le lard.
    3. Dans la même poêle, faire revenir les échalotes à feu vif, puis réincorporer le lard et mouiller avec le vin blanc.
    4. Laisser réduire de moitié, puis débarrasser.

    Coup de feu:

    1. Dans une grande casserole d'eau bouillante salée (éventuellement agrémentée d'un cube de bouillon de légumes) cuire les spaghettis très al dente.
    2. Pendant la cuisson des pâtes, battre en omelette dans un bol deux oeuf entiers et un jaune, et y incorporer délicatement une louche ou deux de l'eau de cuisson des pâtes refroidie pour donner une peu de liquidité aux oeufs battus;
    3. Remettre à chauffer la poêle contenant le lard, les oignons et le vin;
    4. Egoutter grossièrement les pâtes, en laissant un petit fond d'eau, et verser le tout dans la poêle.
    5. Rissoler les pâtes avec le lard une minute ou deux, puis les verser dans le plat de service ou dans la casserole.
    6. Incorporer les oeufs battus et le fromage râpé finement en ne cessant pas de mélanger.
    7. Poivrer généreusement.

    Envoi:
    Si on dresse les pâtes en assiette, placer au sommet des pâtes un jaune d'oeuf dans sa coquille. Servir avec le fromage râpé en copeaux.

    Variations:
    On peut remplacer l'ajout de poivre à la fin de la recette par un demi piment rouge haché qu'on fait sauter avec les oignons. C'est aussi à ce moment-là qu'on peut ajouter quelques dés de champignons de Paris. Pour plus d'originalité, on peut remplacer les spaghettis par des haricots verts.

    Ce qui peut mal tourner:
    Dépasser la température de coagulation de l'oeuf - 57°C pour le blanc, 68°C pour le jaune.

    Fautes de Goût:
    1. La crème - voir plus haut.
    2. Les lardons alumettes Herta qui rendent trois fois leur volume en eau et matière grasse à la cuisson.
    3. Les petits paquets de parmesan pré-râpé, à 19EUR le kg, alors que le bloc est meilleur et moins cher.

    Pour entretenir la conversation:

    Si géoraphiquement tout le monde s'accorde pour situer l'origine des pâtes à la Carbonara (à la charbonnière) dans le Lazio, Wikipédia dénombre pas moins de 4 hypothèses sur l'origine historique de la sauce.

    Selon certains, son origine est liée à la société italienne des Carbonari, mouvance proche de la maçonnerie, active dans la Péninsule au début du 19ème siècle. La société revendiquait l'unité italienne ainsi l'instauration d'une monarchie libérale constitutionnelle et fut à l'origine de troubles entre 1815 et 1830. Stendhal s'y réfère dans son Lucien Leuwen. On ne voit toutefois pas vraiment le lien qu'il y aurait avec les pâtes. Ce qui reste sûr, c'est que les sociétés de Carbonari, connues en France sous le nom de Charbonniers, trouvent leur origine dans les anciennes corporations de forestiers et de charbonniers. De même, la seconde hypothèse concernant l'origine du plat concerne les charbonniers actifs dans les montagnes du Latium, où ils mirent au point un plat solide à base des ingrédients typiquement disponibles dans les régions montagneuses (oeufs, lard, fromage). La troisième hypothèse est toujours liée au charbon: le poivre moulu saupoudré en abondance sur le plat en évoque, en effet, la forme et la couleur.

    La dernière hypothèse est beaucoup plus récente, puisqu'elle remonte à la seconde guerre mondiale, et plus particulièrement à la prise de Rome par les Américains en 1943. Un G.I. aurait eu l'idée d'accommoder sa ration de fromage et de lard avec les pâtes locales. Le nom du soldat  - noir - est resté inconnu, Si bien que les pâtes ont été nommées d'après la couleur charbon de sa peau.

    Et surtout, un excellent appétit si vous passez à table.

    6 commentaires:

    1. Il faut que j'arrête de lire ce blog quand j'ai faim :-)
      Moi pour ma part, je vire le vin blanc et je rajoute des petits pois et de la menthe fraîche... C'est une recette de Jamie Oliver. Ceci dit, après cette recette, il ne faut pas t'étonner si des gens viennent sonner chez toi vers 20h34.

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    2. De la menthe dans un carbonara mais quel scandale :-) ! Sacrés anglais....

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    3. Ouh oui dis c'est spécial ça... je crois que pour l'essayer il faudra que ce soit toi qui m'en prépares...

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    4. Seulement si tu updates mon blog à ma place la semaine prochaine.

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    5. J'updaterais ton blog avec plaisir, n'était cette sanction impitoyable...

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    6. Poivrer généreusement mais éviter de perdre le controle du pot de poivre... soif!

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